L'Amérique en bateau hôpital pour soigner les Salvadoriens

Avec cette mission humanitaire, George W. Bush tente de retisser des liens avec un continent qu'il a négligé.
LES MILLIERS de Salvadoriens qui vont se faire soigner par l'équipage du Comfort, le plus grand bateau hôpital du monde, fierté de la marine américaine, parleront encore longtemps de l'arrivée de ce géant des mers dans le port d'Acajutla. Sa coque blanche, ornée de deux croix rouges, a attiré toute la ville sur la plage : 272 mètres de long, 70 000 tonnes... « Plus grand que le Titanic », s'exclame la presse locale. À l'intérieur, 1 000 chambres, 500 médecins, douze salles d'opération. De quoi impressionner durablement un pays de six millions d'habitants où le système de santé connaît une pénurie chronique.

Le Comfort a accompagné les troupes américaines dans le golfe Persique. Il est aussi intervenu au large de New York après le 11 Septembre. Mais c'est la première fois, comme le soulignent les autorités américaines, qu'il est engagé dans une opération humanitaire à l'étranger. « Cette mission de quatre mois concerne douze pays*. À chaque escale, nous opérons une centaine de personnes à l'intérieur du bateau, explique Manuel Santiago, qui dirige la salle d'urgence. Ce sont généralement des gens sans ressources qui traînent depuis des années une hernie ou une cataracte. Ici, tout est gratuit, même les médicaments. »

Le bateau ne fonctionne qu'à 10 % de sa capacité, la performance peut paraître modeste. Mais dans le centre de santé du port d'Acajutla, où les patients sont triés et examinés, le spectacle est impressionnant. Des milliers de Salvadoriens, surtout des femmes, font la queue sous un soleil de plomb pour consulter les spécialistes américains.

À la manière de Chavez

Pour Margarita, qui est venue avec son fils malade des bronches, c'est une véritable aubaine : « Ici les hôpitaux publics sont saturés et je n'ai pas les moyens de me payer une consultation privée : ça coûte 35 dollars ! Je suis payée 5 dollars par jour à faire des ménages, où voulez-vous que je les trouve ? » À ses côtés Irline approuve : « Les Américains sont plus compétents et ils ont la technologie ! »

Cette mission humanitaire de l'USNS Comfort intervient cinq mois après la tournée de George W. Bush en Amérique latine. Le président américain avait alors proposé une intensification de la « diplomatie de la santé ». Elle vise aussi, indirectement, à renouer les liens avec un continent longtemps méprisé. Laissant de côté ses refrains sur le libre commerce, George W. Bush propose une aide directe aux populations défavorisées d'Amérique latine. Elle n'est pas sans rappeler celle du Vénézuélien Hugo Chavez, qui arrose tout le continent de son pétrole subventionné. Mais, assure Robert Riley, porte-parole de l'ambassade américaine au Salvador, l'objectif n'est évidemment pas de contrecarrer la politique expansionniste d'Hugo Chavez, ni de redorer le blason des États-Unis dans la région. « L'objectif, c'est clairement l'aide humanitaire, rappelle-t-il. Mais si cette aide s'accompagne d'autres bénéfices pour l'Administration américaine, nous n'allons pas les refuser. »

* Belize, Salvador, Guatemala, Nicaragua, Panama, Colombie, Équateur, Guyana, Surinam, Pérou, Haïti et Trinité-et-Tobago.

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