Le Djihad est sur le déclin
Milliere Guy - mercredi 16 avril 2008
irak, etats-unis
Société disloquée », a noté l’un. « Pouvoir politique éclaté », a ajouté l’autre. Quelques mots glanés ici ou là encore : « terrorisme en expansion », « bourbier », « sale guerre », « impasse ». Un auteur particulièrement en verve a parlé d’« insulte à l’humanité », un autre, adepte de la brosse à reluire, a évoqué la « clairvoyance française » et le « glorieux » discours de Villepin. Des chiffres fantaisistes ont circulé. Bien sûr, George Bush a été présenté comme un crétin, c’est devenu un réflexe de ce côté de l’Atlantique. On a évoqué le déclin absolu des États-Unis, leur image ternie…
L’occasion de tout cela ? Le récent cinquième anniversaire des opérations de libération de l’Irak. Peut-on tenter de procéder à un bilan provisoire moins bilieux et plus exact ? Je le pense, malgré le bouillon de culture idéologique français.
D’abord, la situation en Irak était devenue intenable au fil du temps. Les accords pétrole contre nourriture et médicaments servaient d’une façon de plus en plus évidente à affamer et terroriser la population irakienne, à alimenter une dictature immonde et à engraisser une multitude de corrompus. Le régime de Saddam était le prototype même des États voyous. La guerre proprement dite a duré trois semaines et s’est achevée dans l’allégresse du peuple irakien. Villepin et Chirac n’étaient pas très contents, eux : ils venaient de perdre un ami. La chute de Saddam a eu assez vite des répercussions dans le monde arabe, et le « printemps de Beyrouth », même s’il n’a pas été aussi fécond qu’on pouvait l’espérer, a été un sous-produit évident du changement à Bagdad.
Ce qui a suivi a permis de voir que l’après-Saddam avait été mal préparé à Washington, que la stratégie conçue par Donald Rumsfeld était loin d’être optimale, et avait gravement sous-estimé la volonté des islamistes et des partisans de la dictature de pratiquer la politique du pire contre la démocratisation du pays. Des élections ont eu lieu, avec une participation très importante. Une presse pluraliste a vu le jour.
D’anciens baasistes, des membres d’al Qaida, des milices shiites ont tenté de semer le chaos et assassiné des milliers de gens.
Pour des raisons qui restent à élucider et qu’on ne peut que lui reprocher, l’administration Bush tardera à réagir. Il faudra le glissement de la guerre vers l’impopularité, des soldats morts, et la défaite électorale de l’automne 2006 pour qu’un changement de stratégie s’opère, et que le général Petraeus puisse mettre en œuvre des opérations anti-terroristes cohérentes. Aujourd’hui, la pacification, pour l’essentiel, est enfin là.
Les communiqués d‘al Qaida montrent que les terroristes sont en déroute, même s’ils frappent encore sporadiquement. Personne en France ne connaît ces communiqués. Les anciens baasistes et les dirigeants sunnites ont rejoint le processus démocratique. Les djihadistes shiites de Moqtada al Sadr reconnaissent eux-mêmes qu’ils ont échoué : là encore, personne en France ne lit leurs déclarations.
Les efforts ne doivent en aucun cas se relâcher : ce qui est en jeu, comme l’affirme John McCain, vraisemblable successeur de Bush, c’est la guerre globale contre l’islam radical et la terreur. Mais des avancées décisives se sont opérées. La démocratie irakienne est très imparfaite, mais mieux vaut une démocratie imparfaite qu’un régime sanguinaire. Il y a eu des victimes : quatre mille soldats américains, bien davantage d’Irakiens, sunnites, shiites, chrétiens. L’Iran est sur la défensive et ce sont, plus que jamais, les tenants de l’appareil de répression du régime qui y tiennent les rênes. Les dirigeants irakiens affirment leur volonté de rester dans l’orbite de la puissance américaine.
L’image du djihadisme pâlit partout dans le monde musulman. Le fait que Bush ait tardé à faire appel à Petraeus restera une ombre sur sa présidence, mais le peuple américain se reconnaît davantage dans l’héroïsme que dans le défaitisme débile prôné par Clinton-Obama.
Qui, chez nous, aura le courage de dire la vérité et de souligner qu’en cultivant la nostalgie du dictateur, en affirmant (dans une ignorance volontaire des preuves) que Saddam n’avait pas d’armes chimiques ou biologiques et aucun lien avec le terrorisme, et en pratiquant l’apaisement devant le djihadisme, nous faisons le jeu du pire, ici, dans un proche avenir ?