Le président afghan est reçu ce week-end à Camp David. LE PRÉSIDENT afghan, Hamid Karzaï, doit traiter avec son puissant allié américain de plusieurs questions délicates. La plus urgente est celle des otages sud-coréens. Deux des vingt-trois travailleurs humanitaires membres d'une Église évangélique, enlevés le 19 juillet par les talibans, ont été assassinés. D'autres pourraient l'être à leur tour si Karzaï ne cède pas aux revendications des talibans, qui réclament la libération de plusieurs des leurs emprisonnés.
Sévèrement critiqué par Washington pour avoir libéré des prisonniers talibans en échange du journaliste italien Daniele Mastrogiacomo en mars dernier, Karzaï s'est, depuis, engagé à ne plus accepter de tractations en cas de prise d'otages, afin de ne pas
« encourager » de nouveaux enlèvements. Mais cette position est difficile à tenir, les talibans accusant quant à eux les Américains d'
« empêcher » Karzaï de libérer les prisonniers.
Production record de pavot L'affaire des otages coréens n'est pour Hamid Karzaï qu'une crise supplémentaire, alors que son gouvernement ne cesse de perdre du terrain face à l'insurrection des talibans. Plus que jamais dépendant de l'armée américaine et de l'Otan pour disputer aux talibans le contrôle des provinces pachtounes du sud, Karzaï est aussi victime de ce soutien qui, parallèlement, sape sa légitimité sur le plan intérieur. Dénoncé par les talibans comme une
« marionnette » des forces étrangères, Karzaï paye un prix politique élevé à chaque
« bavure » de ses alliés.
L'aviation de l'Otan a tué depuis le début de l'année plusieurs centaines de civils, la plupart victimes
« collatérales » de raids aériens. Une nouvelle erreur de bombardement de l'Otan aurait eu lieu jeudi, dans la province de Helmand, faisant près de trois cents morts civils. Karzaï, qui a demandé à plusieurs reprises aux troupes de l'Otan de faire preuve de retenue et de discernement dans leurs opérations contre les talibans, va devoir convaincre le président américain de la nécessité de changer rapidement de méthodes en Afghanistan, sous peine de voir se dégrader encore sa popularité.
La question de la drogue doit aussi être évoquée entre le président afghan et George Bush. Après une production record de 6 100 tonnes en 2006, la hausse encore attendue cette année de la récolte de pavot, matière première de l'opium et de l'héroïne, fait de l'Afghanistan l'un des premiers producteurs de narcotiques du monde. Le problème est lui aussi épineux : l'argent de la drogue contribue à financer l'effort de guerre des talibans, mais les mesures prises contre les producteurs bénéficient aussi aux insurgés, en soulevant les populations contre le gouvernement Karzaï dans les régions du Sud, où les talibans sont déjà bien implantés.
Hamid Karzaï discutera encore avec Bush de ses relations avec son voisin pakistanais. Les deux principaux alliés de Washington dans la guerre menée depuis 2001 contre al-Qaida et les talibans restent très tendus, le Pakistan étant vu à la fois comme l'origine et la solution des difficultés du gouvernement afghan. Le président Karzaï accuse des
« éléments » au sein des services de renseignements pakistanais de soutenir encore les talibans, dont certains dirigeants sont réfugiés dans les zones tribales pakistanaises, avec des membres d'al-Qaida. L'Afghanistan refuse de reconnaître la frontière héritée de l'empire des Indes britanniques, ajoutant encore à la complexité du contrôle de cette région montagneuse essentiellement peuplée de Pachtouns, qui sert de base arrière et de vivier de recrutement aux talibans. Une
« jirga de paix » (conférence tribale) entre chefs pachtouns des deux pays doit aborder ces questions, mais sa préparation dure déjà depuis de longs mois.
source : http://lefiagaro.fr