Le Golfe et la Troisième Guerre Mondiale
24 octobre 2007
Les cercles d’experts qui étudient le pic pétrolier mettent en garde contre les conflit que la course à la ressource pétrolière pourrait déclencher. Ils se trompent. Ces guerres n’appartiennent pas au futur. L’invasion de l’Irak en 2003 était la première d’entre elles. Les USA ont pour stratégie de sécuriser - à n’importe quel prix - le seul réservoir disponible, le Moyen Orient, pour barrer la route du pétrole à la Chine. La guerre d’Iran relève de cette stragégie. Les USA ne veulent tolérer dans la région aucune force contestant leur hégémonie. Abdel Bari Atwan, directeur du quotidien Al Qods Al Arabi, basé à Londres, rappelle les enjeux du conflit à venir et s’inquiète de voir les états du Golfe acquiescer en privé à la nouvelle guerre préparée à Washington, dont seuls les inconscients ne voient pas l’abime où elle va nous entraïner.
Par Abdel Bari Atwan, Al-Qods Al-Arabi, 22 octobre 2007
Le mois de Ramadhan est fini, ainsi que les fêtes de l’Aïd, et les capitales arabes, notamment du Golfe, ont commencé à sortir de leur torpeur et à se préparer à la mobilisation psychologique et médiatique que l’administration américaine a préparée dans ses moindres détails, à la veille de la guerre, exactement comme elle l’avait fait avant l’invasion et l’occupation de l’Irak.
Dick Cheney est le maître à bord à Washington. C’est lui qui avait pris la décision de la guerre contre l’Irak. Plusieurs journaux américains ont rapporté récemment qu’il vient de mettre au point les derniers détails d’un nouveau plan d’attaque de l’Iran parce qu’il voit dans les ambitions atomiques de ce pays, une menace pour la domination américaine des plus grandes réserves pétrolières du monde.
C’est ce qui explique la déclaration de Nancy Pélosi, présidente de la majorité Démocrate, sur la nécessité pour l’administration, d’obtenir l’aval du Congrès avant toute nouvelle guerre contre l’Iran. Cheney ne menace pas dans le vide. Il a choisi l’Institut de Washington pour la politique du moyen orient, connu pour son soutien à Israël, pour lancer aux arabes et aux israéliens, ses partenaires dans cette nouvelle guerre, son avertissement : la guerre arrive et les préparatifs doivent commencer.
La guerre contre l’Iran continue celle contre l’Irak dans le but de garantir qu’Israël reste l’unique puissance régionale dotée de l’arme atomique et, de dominer les champs et les réserves du pétrole. Quand le ministre de la défense Australien a dit que le pétrole était une des causes essentielles de l’invasion de l’Irak, il n’avait pas fait un lapsus lingue. Il n’était pas surprenant non plus que Allan Greenspan, président de la réserve fédérale durant dix ans, dise la même chose dans son nouveau livre.
Les estimations officieuses des réserves pétrolières de l’Irak qu’on s’ingénie à garder secrètes, de l’ordre de 115 milliards de barils, sont en fait bien inférieures au chiffre réel qui est de l’ordre de 300 milliards de barils. C’est ce qui explique que les troupes américaines aient permis, aux premiers jours de l’invasion, de piller tout sauf le ministère du pétrole.
C’est ce qui explique aussi l’entêtement des Etats-Unis à faire voter la loi sur les hydrocarbures par le nouveau parlement irakien, laquelle réduit le contrôle de la compagnie nationale irakienne du pétrole à 18 puits sur les 80 qui existent actuellement, laissant les autres aux compagnies américaines et britanniques et ce pour les 30 ans à venir. On estime qu’au cours de cette période 1000 nouveaux puits seront forés dans ce pays sinistré.
L’administration américaine sait parfaitement que la poursuite de sa domination sur les réserves pétrolières du Golfe est le seul moyen de contenir le danger rampant que constitue la Chine. Celle-ci consomme actuellement 13 millions de barils par jour dont la moitié est importée de la région du Golfe précisément. Sa consommation croît de 7,5% par an ce qui veut dire que ses besoins vont doubler en moins de 15 ans, période à la fin de laquelle les experts estiment que les réserves de pétrole seront taries partout ailleurs hors de la région du Golfe et principalement en Irak.
Les gouvernements des pays du Golfe connaissent parfaitement les détails des plans de la guerre américaine contre l’Iran comme ils ont connu ceux contre l’Irak. Ils ont commencé à la « commercialiser », en insistant sur le caractère, éminemment plus grand, du danger iranien que le danger américano-israélien et, en s’apprêtant à acquérir les armes les plus sophistiqués. Ainsi, le Koweït a annoncé l’achat de fusées Patriot anti-missiles et l’Arabie Saoudite a fait de même.
Mais pourquoi le Koweït achèterait-il donc ces fusées alors qu’il héberge 30.000 militaires américains et que 30% de son territoire servent de base à un arsenal américain sophistiqué et diversifié ?
Dans une réunion privée, un haut responsable d’un pays du Golfe a déclaré que son pays connaît parfaitement le danger iranien pour sa sécurité et sa souveraineté et qu’il ne tient nullement compte des surenchères des groupes islamistes et nationalistes qui voient en Israël le danger suprême, ajoutant textuellement « que peuvent pour nous l’Egypte, la Syrie ou le Yémen au cas où nous sommes attaqués par l’Iran ou pris en otage par son arsenal atomique, si les américains ne le détruisent pas ? Israël ne représente pas un danger pour nous et son programme nucléaire n’est absolument pas une source d’inquiétude. Israël possède un arsenal nucléaire mais il ne l’a jamais utilisé. »
Une personne présente dans ce cercle privé a rétorqué à ce haut responsable du Golfe « qu’Israël n’avait pas à utiliser ses armes nucléaires puisqu’il dispose d’un arsenal d’armes conventionnelles destructrices, fournies par les USA, mais ces derniers ont été le seul pays au monde à avoir utilisé l’arme atomique, et ils servent de modèle pour Israël. »
Le grand malheur est que certains pays du Golfe qui poussent, tout comme Israël, l’Amérique à attaquer l’Iran, ne veulent pas réfléchir aux conséquences désastreuses de toute guerre et ne demandent pas à leur grand allié le sort qu’il réserve à L’Iran et à toute la région à l’issue de cette guerre attendue.
L’administration Bush a réussi à détruire l’Irak et à changer son régime mais elle n’a pas réussi à construire la paix et la stabilité dans la région et c’est ce qui peut se passer de nouveau à l’issue de toute nouvelle guerre contre l’Iran.
Le Commandant de la Garde révolutionnaire iranienne a déclaré hier que son pays lancera 11.000 fusées à la première minute d’une attaque américaine contre son pays. Cet homme ne ment pas, même s’il a peut-être exagéré le chiffre. La moitié de ces fusées suffit à détruire complètement les villes du Golfe. L’Iran ne pourra peut-être pas affronter le tapis de bombes sur ses infrastructures, mais il se prépare sûrement à la phase postérieure à la première frappe pour répliquer, tout comme il l’a fait en Irak.
Les pays du Golfe et les Etats-Unis seraient-ils en mesure de résister à une guerre d’usure terroriste de la part de l’Iran pour les années à venir ?
La démission de Ali Larijani, responsable du dossier atomique et l’un des rivaux du président Ahmedi Nedjed, est un signe supplémentaire que l’Iran prépare ses plans pour les lendemains de l’attaque et que « l’aile dure » du régime est parvenue à avoir la haute main sur les affaires.
La question est de savoir si les dirigeants arabes ont des plans et des projets, surtout ceux qui se sont alignés sur l’Amérique et battent les tambours de sa guerre ?
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Publication originale Al Qods Al Arabi, traduction Ahmed Manai Tunistri, via Alter Info.