BRUXELLES (Reuters) - Le Royaume-Uni a opposé lundi son veto à l'adoption d'un budget pluriannuel pour l'Agence européenne de l'armement, ce qui fait planer un doute sur sa volonté affichée de renforcer l'Europe de la défense.
Les ministres de la Défense et des Affaires étrangères de l'UE se sont réunis pour évoquer le renforcement des capacités militaires de l'Union européenne, où des lacunes importantes persistent en matière de transport stratégique et tactique, de protection des forces et de renseignement militaire.
La Grande-Bretagne qui, comme la France, compte parmi les rares pays à atteindre l'objectif de consacrer au moins 2% de son PIB à son effort de défense, exhorte donc sans cesse ses partenaires européens à retrousser leurs manches.
L'un des instruments pour y parvenir est l'Agence européenne de l'armement, qui permet de mutualiser la recherche et de réaliser des économies d'échelle en évitant de multiplier les programmes, par exemple pour construire des blindés.
Il s'agit de l'un des fleurons des accords passés à Saint-Malo entre la France et le Royaume-Uni en 1998 pour renforcer l'Europe de la Défense et, pour 25 des 26 membres participants, seul un budget pluriannuel offre une visibilité suffisante.
Les ministres européens étaient donc invités à adopter un budget 2008-2010 pour planifier les investissements.
Mais le Royaume-Uni s'y est opposé.
"Il n'y a pas eu d'accord", a déclaré le ministre portugais de la Défense, Nuno Severiano Teixeira, dont le pays préside pour l'instant l'Union européenne. "Le débat continue."
"DÉMORALISANT"
Les Vingt-Sept ont donc dû se contenter d'approuver le budget 2008 de l'Agence, qui sera dotée de 32 millions d'euros. C'est la troisième année consécutive que Londres refuse d'octroyer un budget pluriannuel à cet organe.
Son président exécutif, Alexander Weis, a fait contre mauvaise fortune, bon coeur et a souligné qu'il s'agissait d'une augmentation par rapport aux 22 millions d'euros du budget 2007.
Mais, selon un diplomate de haut rang, le budget 2008 permet tout juste à cet organisme "de se maintenir au-dessous de la ligne de flottaison". "C'est démoralisant pour l'Agence", a-t-il ajouté.
Pour les Britanniques, elle n'a pas fait la preuve de son efficacité et il n'est pas question d'investir à moyen terme.
"Nous n'approuvons pas un budget sans voir ce pour quoi nous payons", a déclaré un diplomate britannique.
Alors que Paris soutient à fond l'Agence qui a, selon les autorités françaises, obtenu des résultats non négligeables dans un contexte de disette budgétaire, Londres craint qu'elle ne se transforme en une grosse bureaucratie européenne.
"Les Britanniques ont une position extraordinairement dogmatique sur ce sujet", se plaint un diplomate qui note le contraste entre les propos "ouverts et enthousiastes" sur l'Europe de la défense du secrétaire au Foreign Office, David Miliband, dans un discours la semaine dernière.
Mais ce dernier a aussi insisté à cette occasion sur son opposition à la création de nouvelles institutions de défense et le Royaume-Uni freine des quatre fers lorsqu'il s'agit de donner plus de moyens à la petite cellule européenne de planification des opérations militaires européennes.
LA FRANCE DÉÇUE
Les Britanniques craignent que cette cellule ne fasse de l'ombre à l'Otan qui, pour Londres, reste le forum le plus important de coopération en matière de défense.
Cette position démontre toute la difficulté qu'éprouvera la France à concrétiser la montée en puissance de l'Europe de la défense, qui ne peut se faire sans la collaboration de Londres.
Or, il s'agit de la condition posée par Nicolas Sarkozy pour un rapprochement entre la France et l'Otan.
Paris souhaite également que l'Union européenne se dote d'une stratégie de sécurité adaptée aux nouvelles menaces dès 2008, pendant son semestre de présidence de l'UE.
Les autorités françaises entendent mettre à profit le Conseil européen de la mi-décembre pour lancer le processus de modernisation de cette stratégie dont l'UE dispose depuis 2003.
Après les attentats du 11 septembre 2001, les Européens s'étaient dotés d'un arsenal de lutte contre le terrorisme et, pour la première fois, d'une stratégie de sécurité partiellement inspirée du document adopté en 2001 par les Etats-Unis.
Signe que l'UE s'éloignait quelque peu de sa position traditionnelle basée sur le "soft power" pour envisager - prudemment - le recours au "hard power".
Pour les autorités françaises, de nouvelles menaces potentiellement génératrices de conflits, comme le réchauffement climatique et les mouvements migratoires, ont pris de l'ampleur, ce qui justifierait l'actualisation du document.
La nouvelle stratégie serait adoptée fin 2008, juste avant l'entrée en vigueur du nouveau traité européen qui remplacera la défunte Constitution et qui prévoit de nouveaux instruments.
Le 1er janvier 2009, le Haut représentant pour la politique étrangère de l'UE disposera en effet d'un véritable service diplomatique et d'un budget important, puisqu'il siégera aussi à la Commission européenne en tant que vice-président.