Par Gary Kasparov,
Président du Front Civil Uni, un groupe démocratique activiste basé en Russie. Il a été champion du monde d’échecs pendant plus de 20 ans.
Le monde civilisé est en péril. Le Hezbollah, l’Iran, et la Corée du Nord continuent d’exister comme s’ils n’avaient pas à rendre de comptes pour les dangers qu’ils créent. Les terroristes et les dictateurs sont bienvenus dans l’arène de la diplomatie convenable, en dépit de leur mépris affiché, voire de leur haine pour ce que représente la civilisation occidentale. Mais les appels à l’apaisement s’épuisent, comme toujours. Aujourd’hui, un nouveau cadre doit être défini pour remplacer les vieilles structures et les vieux accords qui réglementent la diplomatie mondiale. Je ne parle pas de la réforme des Nations Unies tellement démodées que même les suggestions de réformes sont dépassées. Les Nations Unies ont été créées pour geler des crises – la guerre froide – pas pour les résoudre. La guerre, aujourd’hui, est autrement plus brûlante et n’a rien à voir avec les territoires, l’idéologie ou le commerce. Elle concerne la valeur de la vie humaine.
Le monde a besoin d’une nouvelle organisation, basée sur une Magna Carta, une Grande Charte globale, une déclaration des droits inaliénables de l’homme que toutes les nations signataires devront reconnaître. Sans ces principes, nous en sommes réduits progressivement au plus petit commun dénominateur. Le communisme n’a pas été défait par le relativisme moral ni par d’interminables meetings mais par un leadership moral ferme et audacieux combiné à la supériorité croissante de la technologie et du mode de vie occidentaux.
Les matchs que j’ai livrés contre des générations d’ordinateurs m’ont douloureusement convaincu que les avancées de la technologie ne peuvent être stoppées. Le moment heureux que nous avons connu, où les armes de destruction massive étaient d’un coût prohibitif et difficiles à fabriquer, arrive à grands pas vers sa fin. Il n’y a pas de solution simple pour prévenir la terreur et la prolifération, mais nous devons faire le premier pas et reconnaître qu’aucune solution n’est possible avec nos mécanismes actuels. En ce moment même, les nations qui parlent de démocratie ne craignent pas de nouer en cachette de sales petits accords avec des alliés stratégiques qui n’ont que faire des valeurs démocratiques. Ce double langage doit cesser. Un front uni de sanctions strictes et de programmes d’aides doit être instauré, afin que la politique du bâton et de la carotte fonctionne. L’intervention militaire à but humanitaire doit aussi être une option reconnue. Les valeurs mises en lumière par cette nouvelle Magna Carta doivent être défendues comme des frontières, car c’est exactement ce qu’elles sont.
Les nations qui accordent de la valeur à la vie humaine et à la démocratie contrôlent la plus grande part des richesses du monde ainsi que de la force militaire. Si elles se joignent les unes aux autres et refusent de cajoler les Etats voyous et les sponsors de la terreur, leur autorité sera irrésistible. Leur richesse combinée peut développer la recherche technologique pour de nouvelles énergies, et ainsi les libérer de la dépendance pétrolière qui renforce le pouvoir des dictateurs et des terroristes. Le but n’est pas d’élever des murs pour isoler les millions de gens qui vivent sous la coupe des dictateurs. Au contraire, il s’agit de fournir un leadership par l’exemple en même temps que des incitations concrètes pour le respect des droits de l’homme. Il n’est que de voir comment la promesse d’adhésion à l’Union Européenne a accéléré des réformes spectaculaires dans les pays d’Europe de l’Est. Ce modèle devrait être reproduit à l’échelle du monde.
Dans son fameux discours de Fulton, dans le Missouri, en 1946, Winston Churchill indiquait que les Nations Unies qui venaient de naître « devaient être une force d’action, et pas seulement une écume de mots. » Cette mise en garde, on peut le constater aujourd’hui, est restée lettre morte. Les soi-disant leaders du monde libre parlent de promouvoir la démocratie, tout en traitant les leaders des régimes les plus autocratiques comme leurs égaux. Une Magna Carta globale devrait interdire cette hypocrisie, et provoquer un puissant mouvement de vraies réformes.
Source : www.foreign-policy.fr