Subprime : Wall Street et les hélicoptères
7 août 2007
Tous les investisseurs sont restés aujourd’hui suspendus à la décision de la FED. La Banque Centrale détient les clés du crédit et pouvait en baissant le taux d’intérêt limiter la crise de l’immobilier, mais a finalement décidé de le laisser inchangé. Si les faillites sont pour le moment circonscrites au secteur des prêts hypothécaires, la purge n’est pas encore terminée et le risque de contagion existe, qui rend tout le monde nerveux à Wall Street. Vendredi sur CNBC, le chroniqueur économique Jim Cramer a perdu plus que de coutume son self contrôle, et s’est mis à hurler contre la FED et son président Bernanke, « endormis pendant l’apocalypse. » Vidéo.
Alan Greenspan, le précédent président de la FED, avait une recette infaillible pour calmer les marchés en crise : ouvrir en grand le robinet du crédit en injectant des billets verts sur le marché [1], en baissant les taux d’intérêts et en diminuant le montant obligatoire des dépot de garantie des banques privées à la Banque Centrale.
L’apport de liquidités induit permettait d’éponger les pertes et de relancer la machine.
C’est ainsi qu’ont été digérés le crack boursier de 1987, la récession de 1990-1991, l’éclatement de la bulle internet en 2000 et la récession de l’année 2001. Mais cet apport d’argent et de crédit a un revers. L’économie américaine a pris l’habitude de vivre en empilant les dettes, et l’argent bon marché a la fâcheuse propriété d’engendrer des bulles spéculatives.
La dernière en date, celle de l’immobilier, qui est à son tour en train d’éclater, a déjà entrainé quelques dizaines de faillites, dont certaines retentissantes, et laisse présager une révision drastique à la baisse des porte-feuilles contaminés par les prêts subprime, via le mécanisme de titrisation [2].
L’incertitude est grande sur l’ampleur probable des pertes [3] et de leurs répercussions. De nombreux analystes - et deux tiers des américains [4] - estiment qu’une récession est inévitable à court terme, ne serait-ce qu’à cause des montants de plus en plus importants qui seront distraits de la consommation par les ménages, pour faire face à leurs emprunts.
En 2004, Bernanke, aujourd’hui président de la FED, avait promis qu’il n’hésiterait pas en cas de difficulté à déverser lui aussi de l’argent sur les marchés pour les sauver - même en hélicoptère si nécessaire.
Mais cette fois-ci la cavalerie tarde à arriver et certains perdent leurs nerfs, tel Jim Cramer.
Cet ancien gérant de fonds spéculatifs, qui anime l’émission Mad Money sur CNBC, est certes réputé pour ses excès, mais lors de sa dernière apparition il a définitivement abandonné tout reste de retenue, insultant les responsables de la FED, en leur reprochant de rester « endormis » devant une situation qu’il décrit comme « apocalyptique », et réclamant à corps et à cri une baisse des taux d’intérêts.
Il est assez piquant de voir ce zélateur de la destruction créatrice, qui ne trouvait jusqu’alors rien à redire aux licenciements ni aux délocalisations qui accroissent les bénéfices des actionnaires, s’alarmer de voir ses collègues de Wall Street perdre leur sinécures à cause d’investissements hasardeux, et se plaindre que même quelqu’un d’aussi riche que lui ne puisse plus obtenir de crédit...
Mais au delà des pitreries de Jim Cramer, le problème auquel doit faire face l’économie US est sérieux. L’ampleur prise par la bulle du crédit et l’appréciation de l’immobilier qui ont tiré la croissance américaine ces dernières années menacent la santé du système.
La FED dispose de deux options : purger ou mettre sous perfusion. La purge - c’est à dire la poursuite d’une politique de taux élevés - pourrait casser la machine en déclenchant une récession. La perfusion - la baisse des taux, la relance du crédit - continuerait à masquer les difficultés, repoussant à plus tard la facture, et mettrait en danger la valeur du dollar sur les marchés internationaux.
Entre deux maux, la FED, réunie aujourd’hui, a décidé de ne pas choisir et a laissé inchangé le taux d’intérêt à 5,25%, estimant que le risque majeur est toujours l’inflation et non la récession.
Des millions de foyers américains, qui se sont endettés à taux variable lorsque le crédit était bon marché, et peuvent désormais difficilement faire face à leurs échéances, seront donc parmi les premières victimes expiatoires de l’ère Greenspan