La thèse du complot par
Miguel Garroté, journaliste d'investigation
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La thèse du complot n’est pas morte. Simplement, elle se métamorphose, plus ou moins, au fil des âges. Son fond de commerce, souvent, reste à peu près le même. Son objectif est toujours identique : inventer un bouc émissaire ; catalyser sur lui une haine viscérale ; éviter tout effort réel au service du véritable bien commun ; masquer les vrais problèmes ; servir une cause absolue dans son principe et absolutiste, voire génocidaire, dans son avènement.
Le protocole des sages de Sion est un « modèle du genre », mais il n’est, hélas, pas le seul. Ce pamphlet débilitant, que l’on attribue aux milieux tsaristes en manque de pogrom, est de nos jours un « best-seller » dans le monde musulman. Le plus extraordinaire, si l’on peut dire, ce sont les personnes qui, chez nous, affirment que même si ce « protocole » est un faux, ce qu’il annonçait jadis s’est réalisé aujourd’hui. J’ai moi-même entendu ce genre de bobards lors de mes incursions dans des milieux d’extrême droite, tantôt traditionalistes, tantôt athées et dans des milieux néo-staliniens.
La thèse des années 1930, sur le « complot judéo-maçonnique mondial », est un autre cas d’espèce. De fait, il est, jusqu’à un certain degré, un « remake » du protocole des sages de Sion. La thèse en question, est d’autant plus stupide, qu’il y a infiniment plus de baptisés catholiques (devenus athées), que de juifs, dans les loges maçonniques.
Mais du « protocole » au « complot », la même thèse a survécu et survit encore aujourd’hui, quoi qu’en des termes, en apparence, nouveaux. Actuellement, circule la thèse, du « complot mondialiste », soi-disant orchestré par des néo-conservateurs sionistes américains. Cette version nouvelle, de la même salade, rassemble, pêle-mêle, des révisionnistes, des islamistes, des néo-nazis, des ultranationalistes, des ultragauchistes « anti-impérialistes », des néo-staliniens et, certes dans une moindre mesure, certains milieux « chrétiens », notamment en Europe orientale et en Russie.
Les nouveaux boucs émissaires, ce sont, en vrac, Bush, Sarkozy, Benoît XVI, Benyamin Netanayu, Samir Geagea, etc. Sous le prétexte, apparemment « démocratique », de lutter contre le « conservatisme » et le « sionisme » (termes que l’on se garde bien de définir autrement qu’avec des slogans), on diabolise les juifs et les chrétiens dès qu’ils s’affirment sans complexe. J’ai vu le slogan suivant sur un site Internet, alimenté par Wayne Madsen, un journaliste américain, ancien agent de la NSA : « Paris : Hitler is back ». Et avec ce texte…une photo de Nicolas Sarkozy !
Il est assez déconcertant, que la plupart des médias, de façon sous-entendue certes, quoi que de moins en moins, véhiculent, notamment en Europe francophone et germanophone, cette thèse du complot mondialiste, néo-conservateur et sioniste. Les termes ne sont pas utilisés tels quels, mais « l’information » va toujours dans le même sens, y compris sur Arte et Euronews.
Par exemple, les attentats du 11 septembre 2001 seraient un complot, orchestré par les néo-conservateurs sionistes américains, avec la bénédiction d’Israël. Autre exemple : les Américains ont « inventé » les armes de destructions massives de Saddam Hussein pour justifier la guerre d’Irak. C’est curieux. En ce moment même se déroule le procès de « Ali le chimique ». Ce haut responsable irakien a donné l’ordre de gazer des dizaines de milliers d’Irakiens avec des…armes de destruction massive. Les médias reconnaissent cela. Ils reconnaissent aussi que Saddam Hussein a fait exterminer entre deux et quatre millions d’Irakiens.
Question : si « Ali le chimique », Saddam Hussein et d’autres dirigeants génocidaires irakiens ont utilisé des armes de destruction massive contre leurs propres citoyens, comment se fait-il « qu’il n’y ait pas » de telles armes en Irak aujourd’hui ? Il se trouve que Saddam a fait creuser d’innombrables caches souterraines dans l’immense désert irakien. Il se trouve que des déplacements suspects, vers la Syrie et l’Iran, ont été photographiés par les satellites occidentaux, peu avant l’intervention américaine en Irak. Il se trouve que les liens entre Saddam Hussein et Al-Qaïda ont été démontrés. Pourquoi les grands médias n’en disent-ils rien ?
A son retour d’Irak (où il s’est entretenu avec les principales factions politiques, y comrpis les anciens suppôts de Saddam), Bernard Kouchner a été formel : personne ne regrette aujourd’hui le renversement de Saddam Hussein. Certes, les Américains se sont trompés sur la nature de cette guerre, son ampleur, sa durée. Mais avec la disparition de Saddam, l’humanité compte un dictateur génocidaire de moins. Complot sioniste ?
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