Les dark pools permettent aux gros investisseurs d'acheter anonymement des blocs d'actions. Ils débarquent en Europe pleins d'ambition
L'imagination des financiers est décidément sans limite. Frustrés par les Bourses traditionnelles, certains traders et fonds d'investissement se tournent vers des dark pools. Ces plates-formes alternatives permettent d'échanger des blocs d'actions de manière anonyme.
L'acheteur ou le vendeur évitent aussi de faire décaler le prix de l'action et réduisent leurs frais de transaction.
Aux Etats-Unis, le système est déjà gagnant puisque entre 10 et 12 % des ordres sur les actions sont exécutés à travers des dark pools. Les plus connus sont opérés par des banques comme Goldman Sachs ou Crédit Suisse. Quelques indépendants ont aussi réussi, à l'image de Liquidnet. En Europe, la directive Marché d'instruments financiers (MIF), entrée en vigueur le 1er novembre 2007, marque le coup d'envoi de ces plates-formes. Pour le moment, moins de 1 % des actions sont échangées par ce biais.
De nombreuses initiatives en Europe
Mais les banques et les compagnies indépendantes y croient dur comme fer. Pour preuve, la plateforme européenne Turquoise a été fondée par neuf banques, dont les établissements français BNP Paribas et Société Générale. Elle sera opérationnelle dès le mois prochain. L'avantage de cette plateforme est qu'elle permet de passer des ordres cachés et des ordres visibles.
Autre initiative, le groupe américain indépendant Nyfix a lancé Euro Millenium, qui permet d'acheter et de vendre des blocs d'actions européennes.
Certains se frottent les mains. C'est le cas de GL Trade, qui s'est préparé depuis 2005 à la mise en place de la directive MIF. « Nous pouvons proposer au client d'envoyer son ordre sur une place donnée ou de laisser l'ordinateur trouver la meilleure place pour lui. Il est alors exécuté dans les meilleures conditions », souligne Cyril Barthélémy, responsable architecture chez GL Trade. L'éditeur de logiciels français est aussi capable de relier ses clients aux dark pools qu'ils désirent.
Mais le spécialiste préfère éviter certaines dérives. « La transparence me paraît essentielle. C'est pour cela qu'il faut établir une distinction entre les plates-formes multilatérales comme Chi-X et les darkpools. Les premières montrent ce qui se passe avant l'exécution de l'ordre et après, alors que les dark pools ne diffusent rien », explique-t-il.
De leur côté, les Bourses traditionnelles commencent à réagir en Europe. Nyse Euronext va lancer Smartpool d'ici à la fin 2008. Le groupe propose déjà aux Etats-Unis un service appelé Match Point. Son concurrent de toujours sur le Vieux Continent, Deutsche Börse, envisage lui aussi de lancer son dark pool. Le London Stock Exchange, qui veut éviter de se faire prendre des parts de marché, souhaiterait également lancer son propre service.
Eviter les dérives et savoir s'adapter
Face à ces changements, il existe un certain nombre de questions, voire d'inquiétudes qui méritent d'être soulevées.
D'abord, la multiplication des pôles de transactions ne risque- t-elle pas de réduire la liquidité ? En ce sens, le rôle des fournisseurs de flux et des logiciels financiers paraît essentiel.
En outre, une régulation à deux vitesses est à craindre. En effet, un fonds spéculatif qui voit son ordre exécuté sur un dark pool comme Nyfix Euro Millenium risque d'être moins surveillé qu'un fonds français passant ses ordres sur Euronext Paris. Le régulateur aura-t-il les moyens de surveiller tous ces nouveaux pôles de liquidité ?
Enfin, comment les investisseurs individuels peuvent-ils s'adapter à cette nouvelle donne ? Ils sont bien sûr exclus des dark pools, par définition. Mais rien ne les empêche de faire confiance à des courtiers proposant l'accès à des plates-formes multilatérales. CortalConsors propose de passer des ordres sur Tradegate, ouvert de 8 à 22 heures. De son côté, IG Markets, spécialiste des contrats pour la différence, n'entend pas rester inactif. Le site devrait se relier à Chi-X dans les prochains mois. Plus que jamais, le choix de votre courtier va devenir essentiel. La qualité d'exécution, la sécurité, les coûts sont des critères à retenir.
Journal des Finances.